Article du quotidien
24Heures du mercredi
19 septembre 2007, au sujet de la capture d'un esturgeon faite par notre
membre Doyen Auguste Mamin, dit "Le Gut".
Surprise! Il pêche un esturgeon au
large de La Tour-de-Peilz
Un pêcheur professionnel a capturé dans ses filets un petit esturgeon. Cette
espèce ne présente aucun danger.
En revanche, d’autres lâchers clandestins sont plus inquiétants.
Ce
n’était plus arrivé depuis longtemps: un pêcheur professionnel a pris un
esturgeon dans ses filets, il y a trois semaines environ, au large de La
Tour-dePeilz. Pas un poisson record, non, puisqu’il mesurait à peine 24 cm et
paraissait bien petit dans les mains d’Auguste Mamin, fin connaisseur du lac,
assez surpris de voir réapparaître ce genre d’animal au long nez après des
années d’absence: «C’était arrivé il y a douze ou quinze ans, mais depuis,
rien. Je me demande d’où il vient…» Oui, d’où vient-il? Nous avons posé la
question à JeanFrançois Rubin, ancien conservateur au Musée du Léman,
aujourd’hui coordonnateur de la recherche à l’Ecole d’ingénieurs de Lullier,
et responsable de l’Institut Terre Nature Paysage, et donc grand spécialiste
des eaux.
Relâché?
Première certitude, il ne s’agit pas d’un poisson qui serait apparu
naturellement dans le Léman: «Cet esturgeon a sans doute été relâché par
quelqu’un qui l’avait gardé quelque temps en aquarium. Au Musée du Léman, à
Nyon, nous avions ainsi adopté quelques esturgeons eux aussi retrouvés dans le
lac, et sans doute lâchés par des gens qui les avaient acquis en animalerie.
Peut-être venaient-ils aussi d’une pisciculture du Haut-Valais qui avait tenté
l’élevage de l’esturgeon, mais avait été submergée par les crues.» Autre
certitude, les esturgeons ne sont pas en train de s’installer dans le lac:
«Non. L’esturgeon s’adapte bien à nos eaux, mais on n’en a jamais vu aucun
atteindre ici la maturité sexuelle, qui est de 10 ans pour les mâles et 15 ans
pour les femelles. C’est d’ailleurs ce qui limite les possibilités d’élevage.
» Donc, pas d’arrivée massive d’esturgeons, pas de danger de déséquilibre de
la faune aquatique à l’horizon, et pas de caviar lémanique à consommer dans
les années à venir. Du caviar suisse, par contre, ce n’est pas impossible. Une
expérience est en effet en cours du côté du Lötschberg, où l’eau chaude du
tunnel va être utilisée pour l’élevage d’esturgeons dans une serre tropicale,
à Frutigen. Pour utiliser cette source d’énergie, trois entreprises ont créé
une association de chauffage à distance, et leur projet, outre un parc de
loisirs, englobe l’espoir de créer enfin du caviar helvétique.
Cela dit, la trouvaille d’Auguste Mamin souligne le problème des lâchers
clandestins. Si l’esturgeon ne présente aucun danger, il n’en est pas de même
d’autres poissons bizarres retrouvés dans des eaux où ils n’existent pas
naturellement.
Bizarres et redoutables
Jean-François Rubin relevait ainsi que deux silures ont été trouvés dans le
Rhône en amont du barrage de Verbois alors que ce poisson qui prolifère dans
les lacs de Morat et de Neuchâtel n’a jamais vécu dans le Léman. Or, il s’agit
d’un sacré prédateur! Autre souci: les deux black-bass, poissons d’origine
nord-américaine, capturés il y a deux et trois ans dans le lac de Neuchâtel.
Ce poisson-là est un carnassier redoutable qui peut atteindre rapidement
plusieurs kilos, et se reproduit à toute allure. Lâché puis installé dans les
eaux romandes, il ferait un carnage, boustifaillant tout ce qu’il trouve, du
poisson blanc au triton en passant par les grenouilles et autres amphibiens.
D’où vient-il? On peut supposer que des pêcheurs auraient osé faire un lâcher
clandestin. Et pourquoi? Pour avoir sous la main, en peu d’années, toute une
population de ces poissons combatifs et pas trop difficiles à prendre, qui
remplissent les pages des magazines de pêche. Rien à voir avec le petit
esturgeon de La Tour-de-Peilz…